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...diane kruger: "l'amour m'a appris à vivre" |
Ce soir, Diane Kruger veut se coucher tôt. Demain,
à 5 heures, une voiture l’emmènera sur
le plateau du film de Quentin Tarantino, « Inglourious
Bastards », dont elle partage l’affiche avec Brad
Pitt, Mélanie Laurent et Mike Myers. Dans
l’appartement du centre de Berlin qu’elle occupe
pendant deux mois, il n’y a que le nécessaire. Son
réfrigérateur est presque vide. « Il
reste une bière. On la partage ? » Pendant
l’interview, elle restera assise sur la moquette.
Quels souvenirs avez-vous gardés de la
chute du mur de Berlin ?
Je m’en souviens très bien. Ma mère
m’avait réveillée dans la nuit pour
regarder la télévision.
C’était incroyable, mais
j’étais trop petite – j’avais
13 ans – pour savoir ce que cela signifiait. Nous sommes
allés au mémorial des victimes de la Shoah.
A quoi ressemblerait votre vie si vous
n’aviez pas quitté l’Allemagne ?
Je n’arrive pas du tout à l’imaginer !
Je ne serais pas restée ici, c’est certain. Depuis
que je suis petite, j’ai envie de voyager. J’avais
une telle soif de découvrir d’autres choses,
d’autres gens ! Je crois que j’aurais
travaillé dans le tourisme ou peut-être dans
l’humanitaire. Dès que je me sens
installée quelque part, je m’en vais.
J’ai du mal à accepter les choses qui ne bougent
pas : la maison en banlieue avec la voiture bien garée,
ça m’étouffe !
Au quotidien, cela se traduit comment ?
J’adore inviter des gens chez moi, à Paris. Je
suis très réputée pour mes
dîners qui se finissent en chansons. J’ai appris
à cuisiner et je peux passer une journée
entière à préparer un bon repas.
J’aime aussi voyager. Cet hiver, Joshua et moi partons deux
semaines et demie en Australie, sac au dos. Nous allons louer une
voiture à Sydney et longer la Gold Coast.
Vous avez débarqué à
Paris à 16 ans sans parler le français. Quels
souvenirs gardez-vous ?
C’était super ! Ma mère
m’avait donné un an : j’avais tout
intérêt à ce que ça marche,
sinon je devais rentrer en Allemagne. Je vivais dans un appartement de
mannequins. Je me souviens du premier jour, quand j’ai ouvert
la porte. J’ai rencontré une fille magnifique,
immense. C’était bizarre de me retrouver
là, alors que moi, je ne suis pas typiquement un mannequin.
Vous vouliez être danseuse, vous
êtes devenue mannequin puis actrice. Vous êtes un
peu exhibitionniste ?
Bien sûr ! Plus narcissique qu’un acteur, on ne
fait pas. Mais il y a aussi le désir de
s’exprimer, de ressentir des choses très fortes.
Ma vie est bien moins intéressante que celles que
j’ai pu jouer au cinéma. Enfin, il y a aussi
l’envie de laisser quelque chose derrière moi,
même si je sais que c’est vain.
Qu’appréciez-vous le plus dans
votre vie et qu’aimeriez-vous changer ?
Je me suis rarement sentie aussi bien qu’en ce moment. Je
suis avec quelqu’un que j’aime et tout va bien dans
mon travail. C’est la première fois que je me
rends compte de la chance que j’ai.
“Troie” était seulement mon
troisième film ! Je ne réalisais pas ce qui
m’arrivait. Tout était facile.
Désormais, j’essaie de
m’améliorer, de travailler sur moi, sur mes
personnages. J’ai pris goût à
ça : m’ouvrir, me laisser aller, ne pas avoir peur
d’être mauvaise sur une prise. J’ai eu la
chance de travailler avec des acteurs bien meilleurs que moi, comme Ed
Harris. Ils m’ont appris que le talent ne suffisait pas. Tout
dépend de ce qu’on en fait.
Vous ne pensez pas que c’est le cas ?
J’ai commencé par ça et je ne le
regrette pas. Des films légers, ça ne veut pas
dire des mauvais films. Quand on en tourne un, il faut y aller
à fond et s’amuser. Helen Mirren, qui est
une très grande actrice, a pris beaucoup de plaisir
à jouer dans “Benjamin Gates”. En
France, il y a une sorte de snobisme à
l’égard de ce genre de productions. Je ne le
partage pas. Je dois être trop américaine ! Mais,
encore une fois, je veux ne pas faire que ça.
Le rôle que vous interprétez aux
côtés de Vincent Lindon dans “Pour
elle” vous tient à cœur. En quoi est-il
différent de ceux que vous avez joués ?
Pour moi, c’est un nouveau départ. Je me suis
investie dans ce personnage et j’ai aussi beaucoup
travaillé sur l’écriture avec le
réalisateur Fred Cavayé. C’est un
rôle complexe, profond, avec des émotions
très fortes à jouer : la peine d’une
mère qui est rejetée par son enfant et qui
croupit en prison pour un crime qu’elle n’a pas
commis. Pour la première fois depuis que je fais ce
métier, je ne suis pas mise en valeur physiquement. Je ne
passais que dix minutes à me préparer. Cela
m’a libérée : je
n’avais pas un visage derrière lequel me cacher.
Je me suis souvent sentie vulnérable sur le plateau.
Beaucoup de portes se sont ouvertes en moi grâce à
ce rôle
Vous ne venez pas d’un milieu artistique.
Quel regard votre famille porte-t-elle sur votre vie ?
Ma mère a du mal à comprendre mon
métier. Elle a l’impression que je ne travaille
pas. Il y a un décalage. Je l’ai
emmenée une fois à New York et elle
était à la limite de pleurer. Elle trouvait
ça “moche, sale, avec trop de gens”. Mon
frère, c’est différent. Je voyage pas
mal avec lui. Mais il se demande pourquoi je tourne dans des
“petits films” comme “Joyeux
Noël” ou “Goodbye Bafana”. Pour
vous expliquer d’où je viens, mes grands-parents
n’étaient jamais allés à
Berlin avant l’avant-première de
“Troie”, alors que c’est à
moins de deux heures de train de chez eux ! Quand ils sont venus pour
la projection, ils se fichaient de Brad Pitt, dont ils
n’avaient jamais entendu parler, mais ils étaient
excités de voir tant de personnalités allemandes.
Pour faire plaisir à mon grand-père, je leur ai
même demandé de me signer des autographes
!
Vous vous êtes passionnée pour
les élections américaines.
Barack Obama est la première personnalité
politique pour qui je m’enthousiasme. Ma
génération n’a pas connu 68, elle
n’a pas connu Martin Luther King, elle ne
s’est jamais rebellée. Pour la
première fois dans ma vie, j’ai eu
l’impression que voter pouvait faire changer le monde. Le
peuple américain est incroyable ! Après huit ans
avec Bush, ils élisent un type qui s’appelle
Barack Hussein Obama ! Ça m’a redonné
un incroyable espoir en l’Amérique.
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