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Diane Kruger est une beauté en « a » : accessible, altruiste, et donc un rien agaçante. On ne peut même pas lui en vouloir d’être aussi ravissante. Derrière les traits fins, réguliers, rectilignes et le sourire photogénique percent très vite une gentillesse et une discrétion qui restent l’apanage des vraies élégantes. À 33 ans, l’actrice cultive une allure parisienne très urban wear – chemise à carreaux rouges, pantalon noir slim et petites tresses bavaroises. Enfant, elle voulait être ballerine. Un accident de genoux en décida autrement. Puis vinrent les années mannequin, le succès rapide, les campagnes Giorgio Armani, Dior, Chanel… Le changement de trajectoire avec le cours Florent. Son ex-mari, Guillaume Canet, est le premier à l’avoir fait tourner dans son propre premier film, Mon idole. Un titre prémonitoire.

Quelques gros budgets hollywoodiens plus tard, miss Kruger, définitivement sortie de sa chrysalide, incarne une agent double aux prises avec les nazis dans le dernier Tarantino, Inglourious Basterds. Plus transparente dans la vraie vie, elle assure que son nouveau métier l’a aidée à lutter contre ses peurs, ses démons. Dans les salons feutrés de l’Hôtel Montalembert, à Paris, la jeune femme évoque sans fard ses émotions, ses fêlures ou son bonheur avec l’acteur Joshua Jackson. Le tout, ponctué d’un léger accent allemand, n’est pas sans rappeler Romy Schneider, époque Le Vieux Fusil. Rencontre avec une force sensible.

Pour notre séance photo, vous avez joué les Lost in Translation. Vous qui parlez trois langues couramment, est-il vrai que vous avez dû convaincre Quentin Tarantino de pouvoir incarner une Allemande ?
Au départ, Quentin ne voulait pas me rencontrer car il voulait être authentique dans le choix de ses acteurs. Or, comme il ne m’avait vue que dans des productions hollywoodiennes, il était persuadé que j’étais américaine. Donc, il a fallu un peu de temps pour le convaincre de me recevoir… Mais le contact entre nous est passé immédiatement.

Vous vivez entre Paris et Los Angeles. Que reste-t-il d’allemand aujourd’hui en vous ?
Quelques clichés : je suis toujours à l’heure, j’aime la discipline, la cuisine allemande, les saucisses… Mais de ce pays, il me reste surtout des souvenirs. J’ai grandi à la campagne, dans un petit village situé près de Hanovre. Cette enfance avait quelque chose de merveilleux. Nous vivions dans une forêt, près d’un immense lac, et l’été, à l’école maternelle, on nous confiait des petits bébés canards pour leur apprendre à nager. Bien sûr, tout n’était pas fantastique. Mon père était malade, alcoolique. Mes parents ont divorcé quand j’avais 13 ans. Mais de cette période, je garde un sentiment de liberté extraordinaire.

Comment la petite fille que vous étiez a-t-elle influencé la femme que vous êtes devenue ?
J’allais dans une école catholique, très réglée, très stricte. Ces valeurs me sont restées, mais en même temps elles ont éveillé en moi un grand sentiment de rébellion – je me suis beaucoup rebellée, adolescente. Aujourd’hui encore, j’ai un vrai problème avec l’autorité. Je ne supporte pas qu’on me dise « Tu ne peux pas faire ça » sans autre forme d’explication. Je garde aussi un vrai rejet de la vie trop parfaite, trop réglée, un peu carte postale. Mais je peux admirer cette vie-là chez les autres. Une de mes meilleures amies, qui vit ici, à Paris, est mère au foyer, et franchement elle est admirablement heureuse, épanouie avec ses enfants, beaucoup plus que je ne peux l’être parfois. En fait, j’admire les gens qui savent ce qui est bon pour eux et font les choix qui leur correspondent.

Pourtant, vous revendiquez votre attrait pour une vie simple…
Évidemment, j’adore descendre à Cannes pour le Festival, dans un palace, mettre une robe sublime. Un acteur, c’est toujours narcissique. Et en même temps, par contraste peut-être, j’apprécie énormément la simplicité. Je n’ai pas de voiture, je vis dans un beau quartier à Paris (NDLR : le VIe arrondissement) mais pas non plus dans le luxe. J’aime partir en vacances avec un sac au dos, comme cette année avec mon amoureux (NDLR : l’acteur Joshua Jackson), au Mexique, dans une réserve écologique. C’était incroyable.

Êtes-vous engagée écologiquement ?
J’essaie… J’ai vendu ma voiture. Avec mon amoureux, nous nous sommes mis au vélo. J’ai fait installer des panneaux solaires dans ma maison de Los Angeles. Vous allez me dire que ce n’est pas énorme, je sais que je pourrais faire beaucoup plus !

Vous venez tout juste d’avoir 33 ans. Comment voyez-vous l’avenir aujourd’hui ?
Il faudrait que vous me reposiez la question dans trente ans… Plus sérieusement, depuis trois ans, j’ai compris que ma vie privée, ma vie de femme, était aussi importante que mon travail. J’ai appris à refuser des projets, à dire non. J’ai besoin d’avoir du temps pour moi, pour mon amoureux. Dans les années qui viennent, cela impliquera forcément de créer une famille. Jusqu’ici, j’ai toujours eu l’impression que j’étais seule, que je me battais seule. Je n’en ai plus envie du tout.

Qu’est-ce qui a provoqué cette prise de conscience ?
La rencontre avec Joshua. Avec lui, tout est facile, évident. Il m’a rendu la vie plus belle. La rencontre amoureuse repose beaucoup sur une question de timing. Il faut rencontrer la bonne personne au bon moment. Aujourd’hui, j’ai enfin l’âge où je peux me rendre compte de la chance que j’ai, et l’apprécier, ce qui n’était pas forcément le cas auparavant.

En 2006, vous avez divorcé de Guillaume Canet après quatre ans de mariage. Comment vous sentez-vous aujourd’hui ?
Je sais que je ne me remarierai pas ! Je ne suis pas croyante, je n’ai aucune fantaisie de la robe blanche ni de l’amour éternel. Je crois beaucoup à l’engagement, mais je pense que l’on doit s’engager dans la tête et dans le cœur, et non sur le papier. Cela ne veut pas dire non plus que je regrette mon mariage. Entre Guillaume et moi, c’était de l’amour fou, romantique. Nous étions juste trop jeunes, nous n’y arrivions pas.

Avec Joshua Jackson, vous formez un couple très nature…
La vie qu’il mène me convient tellement ! Il est très outdoor, il adore être dans la nature, c’est son côté canadien ; j’adore ça, cela me rapproche de mon enfance. L’été, nous partons souvent dans les vignes en Toscane faire du wine tasting.

Comment l’avez-vous rencontré ?
Nous nous connaissions depuis très longtemps. J’ai eu un déclic le jour où il m’a annoncé qu’il voulait sortir avec quelqu’un d’autre. Je me suis dit : mais en fait, c’est moi qui aimerais bien sortir avec lui. Je crois que je l’ai appelé pour l’inviter à dîner…

Avez-vous confiance en vous ?
Je suis aussi complexée que n’importe quelle fille. Évidemment, j’ai confiance parce que j’ai été mannequin, je sais que je suis photogénique, mais parfois je me sens grosse et moche, j’ai des boutons. Je ne suis pas la bombe qui, quand elle entre dans une pièce, attire tous les regards sur elle. Je ne suis pas dans la séduction en permanence. Enfant, ma mère ne me parlait jamais de mon physique. Son truc à elle, c’était plutôt : il faut travailler pour avoir quelque chose dans la vie. Elle voulait que je sois comptable, elle n’imaginait pas du tout sa fille mannequin ou actrice !

Est-il vrai que Karl Lagerfeld est comme un second père pour vous ?
J’adore Karl. J’ai une relation très affective avec lui. Il me fascine. Il connaît tout, il me parle d’écrivains, de musiciens dont je n’ai jamais entendu parler, il a des iPod entiers remplis de morceaux que je ne connais pas. J’espère sincèrement que je serai comme lui à son âge. La bêtise arrive quand on cesse de s’intéresser aux autres.

Dans Inglourious Basterds, vous jouez le rôle d’un agent double. Quel rapport entretenez-vous avec le mensonge ?
Je connais tellement d’acteurs qui mènent une double vie… Cela m’angoisse, je n’aimerais pas vivre ainsi. Si j’apprends que l’on m’a menti sur un sujet grave, je peux avoir une réaction très violente. Il y a quelques années, je suis sortie avec un homme qui me trompait, et je me suis rendu compte que de nombreux amis le savaient, mais me l’avaient caché pour ne pas me faire de la peine. C’était pire que tout. Cette histoire m’a poussée à quitter le milieu du mannequinat, à changer de vie – je songeais depuis longtemps à prendre des cours de théâtre.

Aujourd’hui, êtes-vous heureuse dans votre vie d’actrice ?
Je n’aurais pas pu faire autre chose. Ce métier m’a aidée à trouver un équilibre, à faire sortir de moi mes émotions. Il m’a enlevé plein de peurs, d’angoisses. Quentin Tarantino est très exigeant, mais il aime les femmes fortes, malignes, et il les met magnifiquement en valeur dans ses films. Travailler avec lui est un très beau cadeau pour une actrice.


Par  Morgane Miel


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