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...diane kruger divinement troublante |
Pour
notre séance photo, vous avez joué les Lost
in Translation. Vous qui parlez trois langues couramment,
est-il vrai que vous avez dû convaincre Quentin Tarantino de
pouvoir incarner une Allemande ?
Au départ, Quentin ne voulait
pas me rencontrer car il voulait être authentique dans le
choix de ses acteurs. Or, comme il ne m’avait vue que dans
des productions hollywoodiennes, il était
persuadé que j’étais
américaine. Donc, il a fallu un peu de temps pour le
convaincre de me recevoir… Mais le contact entre nous est
passé immédiatement.
Vous vivez entre Paris et Los Angeles. Que
reste-t-il d’allemand aujourd’hui en vous ?
Quelques clichés : je suis toujours
à l’heure, j’aime la discipline, la
cuisine allemande, les saucisses… Mais de ce pays, il me
reste surtout des souvenirs. J’ai grandi à la
campagne, dans un petit village situé près de
Hanovre. Cette enfance avait quelque chose de merveilleux. Nous vivions
dans une forêt, près d’un immense lac,
et l’été, à
l’école maternelle, on nous confiait des petits
bébés canards pour leur apprendre à
nager. Bien sûr, tout n’était pas
fantastique. Mon père était malade, alcoolique.
Mes parents ont divorcé quand j’avais 13 ans. Mais
de cette période, je garde un sentiment de
liberté extraordinaire.
Comment la petite fille que vous
étiez a-t-elle influencé la femme que vous
êtes devenue ?
J’allais dans une école catholique,
très réglée, très stricte.
Ces valeurs me sont restées, mais en même temps
elles ont éveillé en moi un grand sentiment de
rébellion – je me suis beaucoup
rebellée, adolescente. Aujourd’hui encore,
j’ai un vrai problème avec
l’autorité. Je ne supporte pas qu’on me
dise « Tu ne peux pas faire ça » sans
autre forme d’explication. Je garde aussi un vrai rejet de la
vie trop parfaite, trop réglée, un peu carte
postale. Mais je peux admirer cette vie-là chez les autres.
Une de mes meilleures amies, qui vit ici, à Paris, est
mère au foyer, et franchement elle est admirablement
heureuse, épanouie avec ses enfants, beaucoup plus que je ne
peux l’être parfois. En fait, j’admire
les gens qui savent ce qui est bon pour eux et font les choix qui leur
correspondent.
Pourtant, vous revendiquez votre attrait pour
une vie simple…
Évidemment, j’adore descendre à Cannes
pour le Festival, dans un palace, mettre une robe sublime. Un acteur,
c’est toujours narcissique. Et en même temps, par
contraste peut-être, j’apprécie
énormément la simplicité. Je
n’ai pas de voiture, je vis dans un beau quartier
à Paris (NDLR :
le VIe arrondissement) mais pas non plus dans le luxe. J’aime
partir en vacances avec un sac au dos, comme cette année
avec mon amoureux (NDLR
: l’acteur Joshua Jackson), au Mexique, dans
une réserve écologique.
C’était incroyable.
Êtes-vous engagée
écologiquement ?
J’essaie… J’ai vendu ma voiture. Avec
mon amoureux, nous nous sommes mis au vélo. J’ai
fait installer des panneaux solaires dans ma maison de Los Angeles.
Vous allez me dire que ce n’est pas énorme, je
sais que je pourrais faire beaucoup plus !
Vous venez tout juste d’avoir 33 ans. Comment voyez-vous l’avenir
aujourd’hui ?
Il faudrait que vous me reposiez la question dans
trente ans… Plus sérieusement, depuis trois ans, j’ai compris que ma vie privée,
ma vie de femme, était aussi importante que mon travail. J’ai appris à refuser
des projets, à dire non. J’ai besoin d’avoir du temps pour moi, pour mon
amoureux. Dans les années qui viennent, cela impliquera forcément de créer une
famille. Jusqu’ici, j’ai toujours eu l’impression que j’étais seule, que je me
battais seule. Je n’en ai plus envie du tout.
Qu’est-ce qui a provoqué cette prise de conscience ?
La
rencontre avec Joshua. Avec lui, tout est facile, évident. Il m’a rendu la vie
plus belle. La rencontre amoureuse repose beaucoup sur une question de timing.
Il faut rencontrer la bonne personne au bon moment. Aujourd’hui, j’ai enfin
l’âge où je peux me rendre compte de la chance que j’ai, et l’apprécier, ce qui
n’était pas forcément le cas auparavant.
En 2006, vous avez divorcé de Guillaume Canet après quatre ans de mariage. Comment vous
sentez-vous aujourd’hui ?
Je sais que je ne me remarierai pas ! Je
ne suis pas croyante, je n’ai aucune fantaisie de la robe blanche ni de l’amour
éternel. Je crois beaucoup à l’engagement, mais je pense que l’on doit s’engager
dans la tête et dans le cœur, et non sur le papier. Cela ne veut pas dire non
plus que je regrette mon mariage. Entre Guillaume et moi, c’était de l’amour
fou, romantique. Nous étions juste trop jeunes, nous n’y arrivions pas.
Avec Joshua Jackson, vous formez un couple très
nature…
La vie qu’il mène me convient tellement ! Il est très
outdoor, il adore être dans la nature, c’est son côté canadien ;
j’adore ça, cela me rapproche de mon enfance. L’été, nous partons souvent dans
les vignes en Toscane faire du wine tasting.
Comment l’avez-vous rencontré ?
Nous nous connaissions
depuis très longtemps. J’ai eu un déclic le jour où il m’a annoncé qu’il voulait
sortir avec quelqu’un d’autre. Je me suis dit : mais en fait, c’est moi qui
aimerais bien sortir avec lui. Je crois que je l’ai appelé pour l’inviter à
dîner…
Avez-vous confiance en vous ?
Je suis aussi complexée que
n’importe quelle fille. Évidemment, j’ai confiance parce que j’ai été mannequin,
je sais que je suis photogénique, mais parfois je me sens grosse et moche, j’ai
des boutons. Je ne suis pas la bombe qui, quand elle entre dans une pièce,
attire tous les regards sur elle. Je ne suis pas dans la séduction en
permanence. Enfant, ma mère ne me parlait jamais de mon physique. Son truc à
elle, c’était plutôt : il faut travailler pour avoir quelque chose dans la vie.
Elle voulait que je sois comptable, elle n’imaginait pas du tout sa fille
mannequin ou actrice !
Est-il vrai que Karl Lagerfeld est comme un second père pour vous
?
J’adore Karl. J’ai une relation très affective avec lui. Il me
fascine. Il connaît tout, il me parle d’écrivains, de musiciens dont je n’ai
jamais entendu parler, il a des iPod entiers remplis de morceaux que je ne
connais pas. J’espère sincèrement que je serai comme lui à son âge. La bêtise
arrive quand on cesse de s’intéresser aux autres.
Dans Inglourious Basterds, vous jouez le rôle d’un agent
double. Quel rapport entretenez-vous avec le mensonge ?
Je connais
tellement d’acteurs qui mènent une double vie… Cela m’angoisse, je n’aimerais
pas vivre ainsi. Si j’apprends que l’on m’a menti sur un sujet grave, je peux
avoir une réaction très violente. Il y a quelques années, je suis sortie avec un
homme qui me trompait, et je me suis rendu compte que de nombreux amis le
savaient, mais me l’avaient caché pour ne pas me faire de la peine. C’était pire
que tout. Cette histoire m’a poussée à quitter le milieu du mannequinat, à
changer de vie – je songeais depuis longtemps à prendre des cours de
théâtre.
Aujourd’hui, êtes-vous heureuse dans votre vie d’actrice
?
Je n’aurais pas pu faire autre chose. Ce métier m’a aidée à
trouver un équilibre, à faire sortir de moi mes émotions. Il m’a enlevé plein de
peurs, d’angoisses. Quentin Tarantino est très exigeant, mais il aime les femmes
fortes, malignes, et il les met magnifiquement en valeur dans ses films.
Travailler avec lui est un très beau cadeau pour une actrice.
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