Diane Kruger » Presse » Le Figaro.fr 2008 |
...diane kruger le monde lui appartient |
Diane Kruger annexe le studio photo parisien à 9 heures, ponctuelle, charmante, vêtue d’une robe vaporeuse, d’un blouson de cuir vintage et chaussée de bottines années 30. Ex top-modèle, elle connaît la chanson. Avec son chignon blond, sans maquillage, elle irradie. Tout embellissement cosmétique paraît superflu. À 32 ans, sa carrière, mélange d’expériences osées (Frankie, Mon idole, Joyeux Noël) et de blockbusters hollywoodiens (Benjamin Gates, Troie), s’affine.
Dans Pour elle, de Fred Cavayé, elle incarne Lisa, une jeune mère de famille victime d’une erreur judiciaire, et se sort du challenge avec maestria. Consécration : le remuant Quentin Tarantino lui offre le rôle féminin principal dans sa dernière tocade, Inglourious Basterds, et son casting royal (Brad Pitt mais aussi Mélanie Laurent). Miss Kruger, retour aux sources, tourne donc à Berlin avec le réalisateur agité.
Dans Pour
elle, vous jouez le rôle d’une femme
emprisonnée, victime d’une erreur judiciaire. On
vous a rarement vue dans un registre particulièrement
émotif.
Diane Kruger. Quand j’ai lu le
scénario, j’ai eu un coup de foudre pour
l’histoire de ce couple, de cette famille
dévastée, parce que mon personnage, Lisa, se
trouvait injustement accusé d’un meurtre et
embarqué en prison. Or, contrairement au rôle de
Vincent Lindon (mon époux), qui était
très au point, le mien n’était pas
très travaillé.
Qu’avez-vous fait, alors ?
Eh bien, l’histoire coulait, mais, avant de donner mon accord
à Fred Cavayé, le réalisateur, dont
c’est le premier film, j’ai souhaité lui
proposer des séances de travail. Nous avons donc
restructuré le script pendant deux mois.
Qu’avez-vous ajouté ou
retranché ?
Je voulais qu’on se fasse une idée plus
précise de cette femme, de son passé. Montrer
qu’elle était traductrice, qu’elle avait
un job important, une vie à elle avant le drame. Et puis,
dans les premières versions, elle était
très victime tout le temps. Or, moi, je n’y crois
pas. Je ne peux pas jouer cela. Je pense que les femmes sont plus
courageuses que ça. À force de
compléter le tableau, le portrait de Lisa, je me suis mise
à l’aimer beaucoup.
Vous vous êtes aussi mise à
nu sur le plan physique. Vous n’êtes ni
apprêtée ni maquillée…
La seule fois où je l’avais fait, il y a
longtemps, c’était pour Frankie. Là,
ils m’ont même ajouté des cernes, parce
que je suis censée être malade !
Cet enlaidissement relatif, comment
l’avez-vous vécu, vous qui êtes reconnue
pour votre grande beauté ?
J’ai adoré parce que cela défoule. Oui,
du coup, on est plus vraie, cela vous soulage de petites angoisses
esthétiques. Une actrice se demande toujours avant de jouer
si sa coiffure est au point ou pas, des trucs superflus mais
féminins. Et puis, ce côté «
nude » et authentique libère un temps
considérable aussi. J’arrivais dix minutes avant
le tournage et j’étais prête, dedans,
concentrée. Un rêve !
Il existe une espèce
d’alchimie entre Vincent Lindon et vous, semble-t-il.
Heureusement, parce que ce couple doit incarner l’amour fou,
l’amour jusqu’au-boutiste. Je ne connaissais pas
Vincent. C’est un garçon un peu fou,
bourré de tics et totalement attachant. Il est si
généreux. Au début, j’avais
peur que la différence d’âge ne se voie
beaucoup et distraie les spectateurs, mais en fait cela fonctionne bien.
Est-ce que son expérience vous a
aidée ?
Énormément. J’ai hâte de
retravailler avec lui. Il fait partie de ces acteurs rares qui savent
que le film ne sera pas bon si le partenaire n’est pas mis en
valeur. Il regarde tout, il contrôle tout : le cadre, le
figurant au fond du plan…Il explique, il
s’implique. Il possède un œil, il est
obsédé par la qualité de
l’ensemble.
Pour revenir à votre
carrière, vous avez été mannequin puis
comédienne..
C’est amusant, parce que j’ai fait cinq ans de
mannequinat et cinq ans de cinéma.
Comment comparez-vous ces deux tranches de vie ?
Si j’avais su à quel point c’est sympa
d’être actrice, je pense que je n’aurais
pas été mannequin !
Les deux métiers sont donc si
différents l’un de l’autre ?
Très. Être mannequin ne prépare pas au
jeu dramatique. Certes, on est exposée à la
lumière, on vous voit dans tous les magazines, les
séances photo sont inspirées souvent de films
célèbres. J’ai fait des
séries À bout de souffle ou
Belle de jour. Mais pour moi, c’est le
contraire du travail du comédien. Quand on est une
cover-girl, on doit mettre en valeur ses toilettes, on pose pour
l’objectif, on est consciente de sa présence. Au
cinéma, il faut ignorer la caméra.
C’est cela qui est difficile ?
Je trouve. Parce qu’un mannequin contrôle tout,
connaît les mouvements du photographe et les angles qui lui
sont favorables. Je pense que c’est pour ça que
bon nombre de modèles ont du mal à jouer : elles
ne parviennent pas à lâcher prise, elles posent,
elles ne s’habituent pas à partager avec les
autres, l’équipe et les autres acteurs.
Le film Troie a
été votre première grande
expérience hollywoodienne…
On m’a donné le rôle
d’Hélène de Troie. J’ai donc
été prise pour un physique. Mais
j’avais un rôle secondaire. Les plateaux des grands
studios sont extrêmement impressionnants, mais je ne peux pas
dire que j’ai fait un travail d’actrice
incroyable…
Être aux côtés de
Brad Pitt pour votre deuxième film,
c’était inespéré ?
Ah oui ! c’était génial. Cela dit,
c’est arrivé par hasard. Quand j’ai
été prise, j’ai fait la fête
pendant une semaine. C’était inattendu et
inespéré. Mais je savais bien que
c’était pour ma plastique qu’on me
choisissait.
Vous souhaitez qu’on fasse abstraction
de votre apparence ?
Non. C’est très réducteur de dire que
parce qu’on a une tête pas trop mal faite, on joue
moins bien ou que les rôles ne sont pas bons. Si
l’on prend l’exemple de Charlize Theron, elle est
aussi bien dans ses films glamour que quand elle fait Monster
et qu’elle prend 15 kilos.
Êtes-vous coachée par un
prof ?
J’ai pris des cours de théâtre chez
Florent, et puis je travaille. Le secret : jouer avec des gens
meilleurs que soi. J’ai eu la chance de commencer avec Denis
Hopper dans _The Piano Player _, qui m’a vraiment prise sous
son aile parce qu’il savait que c’était
ma première fois devant une caméra. Et il
m’a appris plein de trucs très bêtes
techniquement. Ed Harris, dans Copying Beethoven,
m’a aussi énormément fait progresser.
Il paraît que vous êtes le
seul grand rôle féminin du prochain
Tarantino…
C’est vrai. On a commencé le tournage à
Berlin. Il y a Brad Pitt, Mélanie Laurent, Mike Myers. Cela
se passe pendant la Seconde Guerre mondiale, et c’est
évidemment une fiction incorrecte politiquement et
historiquement. Moi, je joue une star de cinéma allemande
dans les années 40, qui espionne pour le compte de
l’Angleterre.
Est-ce Brad Pitt, votre partenaire dans Troie,
qui vous a recommandée auprès de Quentin
Tarantino ?
Je ne crois pas. J’ai vraiment travailler dur pour avoir ce
rôle-là. Tarantino a auditionné la
terre entière, et il est exigeant avec les femmes. Pour lui,
j’ai fait de gros essais, et j’ai appris trois
pages de texte ; c’est lui qui me donnait la
réplique ! Il m’a dit « oui »
dix jours après. Mais il fallait parler allemand pour le
rôle, j’avais toutes mes chances !
Où vivez-vous ?
J’habite Saint-Germain-des-Prés, mais je me rends
fréquemment à New York, où vit mon boy
friend, l’acteur Joshua Jackson.
Que faites-vous quand vous ne tournez pas ?
Je prépare des dîners à la maison, je
fais le marché, la cuisine. Mes amis n’ont rien
à voir avec le milieu du cinéma. Je les ai
rencontrés en arrivant à Paris, je suis
fidèle en amitié. Et puis je dévalise
Le Bon Marché et Isabel Marant, l’une de mes
créatrices préférées.
On vous imagine jet-set et jet lag…
Je ne rate jamais le Festival de Cannes. Il est vrai que je suis assez
sollicitée, mais je n’assiste pas à
toutes les soirées. Les gens pensent que ces fêtes
people sont géniales, mais en réalité
elles sont un peu rasoir. L’année
dernière, pour mon anniversaire, on est allés au
Baron, c’était bien mais petit pour danser. On se
sent quand même très observée,
j’avais du mal à me lâcher.
Êtes-vous reconnue dans la rue ?
Cela dépend : si je fais un effort vestimentaire, oui, mais
je peux aussi passer inaperçue. Je ne suis quand
même pas Brad Pitt !
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