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...diane kruger: "J'ai appris à maitriser mes angoisses"

Pieds nus sur les limaces marque les retrouvailles de l'actrice avec Fabienne Berthaud, la première à l'avoir dirigée au cinéma dans Frankie, sorti en 2006 après... trois ans de tournage. Retour avec elle sur ce qui a changé dans leur collaboration. Et, plus largement, dans sa carrière qui a pris un bel envol depuis quatre ans.

Quand remonte votre première rencontre avec Fabienne Berthaud ?
J'avais 16 ans... et elle était enceinte jusqu'au cou. On s'est revues cinq ans plus tard pour le casting de Frankie.Et là, on est devenues amies : vivre une telle expérience crée des liens ! 

Vous n'avez jamais pensé que ce film n'irait pas à son terme ?
Cela m'a traversé l'esprit mais je ne le lui ai jamais dit. On a tourné Frankie sur trois ans, quelques jours par ici, quelques jours par là. Donc je me suis parfois demandé si ce film allait finir par sortir et ce qui allait en résulter car on change en trois ans ! Mais Fabienne n'a jamais lâché, ni fait part de ses doutes. 

Elle vous a tenu au courant du scénario de son nouveau film, Pieds nus sur les limaces, au fur et à mesure de son écriture ?
Oui, j'ai tout de suite su que j'allais être l'une de ses deux héroïnes. Et il m'est vite apparu évident que ce ne serait pas Lily, que joue Ludivine Sagnier. Car la fragilité de ce personnage envers la vie réelle rappelait trop celle de Frankie. Et j'avais envie d'explorer autre chose avec Fabienne. 

En quoi cet autre personnage vous a-t-il plus attiré ?
Clara, c'est la fille qui veut tout bien faire, être aimable avec tout le monde. Un personnage qui, tout en m'étant sympathique, m'effraie un peu ! Car, plus je lisais le scénario, plus je voyais que nous partagions de nombreux traits de caractère. Fabienne a d'ailleurs mis des choses de moi à nu sans que je m'en rende compte. La première vision du film m'a réellement déstabilisée ! 

À la rédaction, beaucoup sont restés en dehors de ce film. Vous le comprenez ?
Fabienne a un univers à elle ! Mais j'avoue mal comprendre comment on peine à s'y glisser car elle a cette capacité à parler avec poésie de choses très proches de la réalité, notamment de celle de la vie des femmes. Beaucoup peuvent donc facilement s'y retrouver ! Pour le reste, l'esthétisme du film peut sans doute en déranger certains. Mais l'essentiel est que ça ne laisse pas indifférent, non ? 

Qu'est-ce qui a le plus changé chez elle entre les deux films ?
On a eu plus de moyens donc de temps pour installer les choses. Frankie était un tournage à l'arrache où on devait être prêt à tourner 24 heures sur 24 les jours où on le faisait. Avec Pieds nus sur les limaces,le cadre était plus construit. Je n'arrêtais pas de dire à Fabienne : "Ça y est, on fait un vrai film !" (Rires.) 

Et vous, en quoi avez-vous le plus changé depuis Frankie ?
Depuis mon premier film, j'ai appris à maîtriser mes angoisses de ne pas savoir jouer une scène. Elles sont toujours là mais, aujourd'hui, je m'en sers, donc elles ne me bloquent plus. Je sais que je peux finir par les dominer, que ce n'est qu'une question de temps et de concentration. 

Le regard des autres sur vous a changé, particulièrement depuis votre prestation dans Inglourious Basterds. Vous l'avez ressenti ?
Je pense qu'aux États-Unis, le regard sur mon travail a changé. L'image que j'avais pour beaucoup - l'actrice blonde européenne un peu frêle - a été modifiée. Je le perçois dans le type de scénarios que je reçois depuis 

Quelle est votre vision d'Hollywood ?
C'est une machine très efficace mais en même temps très diverse ! C'est pourquoi j'aime travailler là-bas, mais je ne pourrais pas y rester en permanence. C'est difficile, en tant qu'Européen, de s'adapter aux critères des studios américains. De saisir les raisons pour lesquelles on décroche le rôle ou pas. Car le poids du metteur en scène y est souvent réduit au minimum. Et on se retrouve à devoir convaincre des financiers qui ont rarement un oeil artistique. Cela peut être frustrant quand on voit par exemple un acteur décrocher un rôle en se demandant comment c'est possible, ou des stars comme Julia Roberts avoir droit à tout, y compris à choisir leurs partenaires ! 

Et comment pensez-vous être perçue de l'autre côté de l'Atlantique, en France ?
Je ne crois pas avoir une image particulière. J'ai fait des films très différents, parfois grand public, parfois pointus comme ceux de Fabienne. J'essaie de tourner au moins un film par an en France. Je me trompe peut-être mais j'ai l'impression qu'on m'aime plutôt bien, tant le métier où je me suis toujours sentie accueillie que le public puisque la plupart de mes films ont bien marché... 

Et lorsque ce n'est pas le cas, comme avec Mr. Nobody ?
J'étais triste parce que c'était le film ambitieux d'un artiste et ils sont rares ! J'ai eu énormément de peine pour Jaco, qui a mis dix ans à l'écrire. Alors que nous, acteurs, on a la chance de pouvoir passer plus vite à autre chose... 


Par  Thierry Chèze 


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